Sources : Goldman Sachs Research – “Global Economics Analyst : The Path to 2075 — The Positive Story of Global Aging” (Daly/Njie/Allen, mai 2025) et “Le vieillissement de la population mondiale ne constitue peut-être pas un risque pour l’économie mondiale” (juin 2025).
Le vieillissement de la population mondiale est souvent décrit comme une « bombe à retardement démographique ».
La combinaison de l’allongement de l’espérance de vie et de la baisse des taux de fécondité alimente régulièrement les inquiétudes sur la soutenabilité économique des sociétés vieillissantes :
- un nombre croissant de retraités à financer,
- une population active en baisse,
- une pression accrue sur les systèmes de santé et de retraite.
Pourtant, les dernières analyses de Goldman Sachs Research invitent à changer de perspective : le vieillissement pourrait représenter moins un risque qu’une opportunité si l’on considère les tendances réelles de santé, d’activité et de consommation.
1. Des seniors plus nombreux, mais biologiquement plus jeunes
En 50 ans, l’espérance de vie mondiale est passée de 62 à 75 ans.
- Dans les pays développés, elle est passée de 72 à 82 ans.
- Dans les économies émergentes, de 58 à 73 ans.
- Selon l’extrapolation de la tendance de long terme, un enfant né aujourd’hui pourrait vivre en moyenne jusqu’à 110 ans.
Mais au-delà de la durée de vie, c’est la qualité de cette longévité qui bouleverse l’économie :
- Une personne de 70 ans en 2022 a les capacités cognitives d’une personne de 53 ans en 2000,
- Et une robustesse physique équivalente à 56 ans (source : FMI / Goldman Sachs).
Autrement dit, « 70 est le nouveau 53 ».
Ce décalage biologique repousse le moment où la « vieillesse économique » se fait réellement sentir.
Implication économique :
- Les besoins de dépendance sont retardés,
- Les seniors consomment, voyagent et investissent plus longtemps,
- Les marchés se déplacent vers la prévention, le bien-être et la longévité active, plutôt que vers la seule prise en charge de la fragilité.
2. Une population active qui s’adapte
La principale crainte associée au vieillissement concerne le ratio de population active (15-64 ans).
- Dans les pays développés (DM), il est passé de 67 % en 2000 à 63 % aujourd’hui et devrait tomber à 57 % d’ici 2075.
- Dans les pays émergents (EM), il est proche de son pic à 66 % et devrait reculer à 61 % dans 50 ans.
En apparence, ce déclin devrait peser mécaniquement sur l’emploi et le PIB par habitant.
Mais les données récentes montrent un phénomène d’adaptation :
- La durée de vie active moyenne est passée de 34 à 38 ans (+12 %) depuis 2000,
- La part de la vie consacrée au travail est passée de 44 % à 47 %,
- Et le taux d’emploi global des pays développés a progressé malgré le recul du ratio d’âge actif.
Cette évolution repose sur plusieurs facteurs :
- Augmentation de la participation des femmes, notamment après la maternité.
- Diminution des emplois physiques, qui réduit le recours aux retraites anticipées.
- Allongement naturel de la vie professionnelle, même sans réforme massive des retraites.
Goldman Sachs conclut que l’adaptation du marché du travail à la longévité est déjà en marche.
Conséquences pour les politiques publiques :
- Les hausses d’âge de départ en retraite restent utiles pour équilibrer les régimes,
- Mais l’allongement effectif de la vie professionnelle se produit déjà de manière spontanée,
- La gestion des carrières seniors devient un enjeu stratégique RH et économique.
3. L’économie de la longévité : un marché à plusieurs vitesses
Le vieillissement mondial n’est pas homogène :
- L’Europe et l’Asie de l’Est connaissent un vieillissement accéléré et des taux de fécondité très bas.
- L’Afrique subsaharienne reste dans une dynamique de forte natalité et de croissance démographique.
- Les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine vivent une transition rapide vers un vieillissement actif.
Cette diversité implique une géographie des opportunités :
- Les pays vieillissants mais riches (UE, Japon, Corée) concentrent la Silver Économie B2C,
- Les pays émergents offrent un potentiel pour des technologies de santé et de productivité,
- Les migrations restent un levier de rééquilibrage démographique, même si elles se heurtent à des résistances politiques.
L’étude souligne aussi que le vieillissement ne modifie pas seulement la structure de la demande, mais aussi les modèles de croissance :
- La croissance du PIB global ralentira mécaniquement avec la baisse de la population active,
- Mais le PIB par habitant peut continuer à progresser grâce à :
- l’augmentation de la productivité,
- l’innovation technologique (IA, robotique, santé),
- et la consommation des seniors actifs.
4. Opportunités pour les professionnels de la Silver Économie
Pour les entreprises qui ciblent les 50+, cette évolution représente un changement de paradigme :
- Aller au-delà des produits “dépendance”
- Les seniors restent autonomes plus longtemps,
- Les solutions de prévention, de bien-être et de loisirs sont prioritaires.
- Intégrer l’économie de la longévité dans la stratégie RH
- Adapter les carrières, la formation et l’organisation du travail,
- Développer des produits et services B2B pour les entreprises confrontées à une main-d’œuvre plus âgée.
- Miser sur l’innovation et la technologie
- L’IA, la santé connectée et la robotique peuvent compenser la baisse relative de la main-d’œuvre,
- Les services financiers et assurantiels doivent intégrer des vies professionnelles et des besoins plus longs.
5. Conclusion : du risque à l’opportunité
Le vieillissement mondial n’est pas la catastrophe annoncée.
- Les sociétés s’adaptent naturellement, en allongeant la vie professionnelle et en retardant la dépendance.
- Les seniors deviennent un moteur économique : plus nombreux, plus autonomes, consommateurs plus longtemps.
- Pour les professionnels de la Silver Économie, c’est une fenêtre stratégique pour développer des offres centrées sur la prévention, la qualité de vie et la longévité active.
Sources :
- Goldman Sachs Research, Global Economics Analyst – The Path to 2075: The Positive Story of Global Aging, Kevin Daly, Mambuna Njie, Johan Allen, 20 mai 2025.
- Goldman Sachs Research, Global Economics Note – Le vieillissement de la population mondiale ne constitue peut-être pas un risque pour l’économie mondiale, 5 juin 2025.