France : les banques et le papy boom

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Face au phénomène du Papy Boom, les analyses sont unanimes : il faut anticiper. Pourtant, la majorité des entreprises n’envisage pas réellement le Papy Boom comme une catastrophe des ressources humaines mais plutôt comme l’opportunité de restructurer des pans entiers de leur organisation devenus coûteux et lourds à gérer. Premier objet de leurs attentions, les jeunes diplômés. A ce titre, les établissements bancaires offrent une bonne illustration de l’attitude des entreprises.

Si certains sociologues voient dans le Papy Boom un choc démographique susceptible de ralentir la production des entreprises, ces dernières sont beaucoup plus nuancées sur le propos. Elles envisagent les départs massifs de salariés comme une opportunité. Ainsi, dans la revue Banque Edition, les professionnels de la finance estiment que «  les partants ne seront pas tous remplacés, et ceux qui le seront n’auront pas forcément le même profil que leurs prédécesseurs. Car les banques voient dans ces échéances [NDLR celles du Papy Boom] une occasion de renforcer l’adéquation entre les qualifications de leurs effectifs et les besoins de leurs activités. «   Concrètement, le départ à la retraite de régiments de salariés permettrait de rationaliser les moyens de distribution des banques et de réduire de 30 % leurs effectifs tout en conservant le même niveau de services grâce à la multiplication des canaux de diffusion (agences, guichets automatiques, téléphone, Internet…).

De nouvelles troupes  Ce changement implique tout de même de lisser les vagues de départs des seniors… en les anticipant. En janvier 2001, l’association française des banques (AFB) signait un accord de branche avec les syndicats CGT-FO et CFTC selon lequel, jusqu’en 2006, les départs en préretraites pourront se faire dès l’âge de 58 ans. En contrepartie, les banques s’engagent à embaucher une personne au minimum pour trois départs, six mois après le troisième départ.  Ces nouvelles embauches visent principalement un public jeune. Par exemple, le Guide des métiers de la Banque, édition 2002, mentionne : «  La création de produits, les stratégies de distribution et la qualité des contacts clientèles (…) se traduisent par un accroissement des équipes commerciales de front-office ou des directions marketing, des métiers en pointe. (…) Un gestionnaire de clientèle ne peut plus se contenter d’aligner le nombre de produits vendus au mois. Il doit conseiller ses clients au mieux de leurs intérêts, en fonction d’une gamme de produits qui s’est largement étendue. Il doit maîtriser des instruments informatiques sophistiqués. «  A la BNP Paribas, l’attachée de presse reconnaît volontiers que leur «  politique de ressources humaines mise essentiellement sur le recrutement de jeunes.  »

Universités : fournisseurs des banques  Pour attirer ces jeunes, les grilles de recrutement des banques deviennent plus souples. Les jeunes diplômés (Bac +3 et Bac +4) comme les salariés ayant une courte expérience accèdent à des postes à responsabilité.  Parallèlement, les établissements financiers se sont rapprochés des organismes de formation afin que les programmes soient plus en phase avec leurs exigences professionnelles. Instituts universitaires professionnalisés (IUP) mais aussi licences universitaires et DESS spécialisés dans les métiers de la finance ont vu le jour. Grâce aux licences professionnelles promues dans une dizaine d’universités en France, les banques espèrent profiter de 400 jeunes diplômés par an. Enfin, les entreprises ouvrent également leurs portes aux personnels de niveau baccalauréat par le biais de contrats d’apprentissage, de qualification ou d’adaptation.

Les femmes participent à « l’effort de guerre » Toutefois, ce système trouvera ;rapidement des limites car les seniors sur le départ assument le plus souvent des responsabilités d’encadrement difficilement transférables sur les épaules de jeunes recrues. Quelles populations seraient susceptibles d’assumer ces fonctions ? Les femmes pourraient participer à ce nouvel «  effort de guerre « . Selon l’Insee, à l’horizon 2020, la population active s’enrichira de 200 000 femmes supplémentaires et plus de 500 000, d’ici 2050. Sous représentées dans les postes à responsabilité, notamment au sein des grands comptes (elles ne représentent que 6 % des cadres dirigeants dans les 5 000 premières entreprises françaises), elles pourraient bénéficier de progressions hiérarchiques notables d’autant plus logiquement qu’elles sont formées et qualifiées.
En revanche, ces la main d’œuvre étrangère ne bénéficie pas forcémetn des mêmes atouts. Il est donc difficile de présumer de la réactivation de flux migratoires pour compenser le Papy Boom. Toutefois, les entreprises iront se servir là où sont les compétences, quitte à se délocaliser en Asie ou en Europe de l’Est ou à recourir au travail à distance.

Fidéliser les salariés  Enfin, en période de tensions du marché du travail, les entreprises apprennent également à «  choyer «  leurs salariés afin de les fidéliser. Un travail difficile d’autant que, contrairement aux générations précédentes, les jeunes cadres dynamiques sont habitués à changer d’entreprise et à monnayer leurs savoir-faire. L’éventuelle pénurie de main d’œuvre accentuerait le phénomène au même titre que les informaticiens ont largement profité, dans les années 90, de la bulle spéculative du marché des hautes technologies. En définitive, certaines catégories de salariés seront traitées comme des clients de l’entreprise. En somme, le Papy Boom pousse les entreprises a reconsidérer leurs politiques de ressources humaines car, à terme, le capital humain pourrait devenir le premier élément de compétitivité internationale.


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