Dans le cadre du Conseil National de la Silver économie, un rapport sur l’adaptation du logement a été publié. Pour faire le point, nous avons interviewé Hervé Meunier, co-animateur du groupe de travail sur l’adaptation du logement pour une vie autonome.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis le directeur général de Filien ADMR, qui est la filiale dédiée à la téléassistance du groupe ADMR. Nous intervenons auprès de la clientèle du réseau ADMR et auprès d’une clientèle directe. Nous travaillons également dans le cadre de partenariats, de façon à ce que nos partenaires puissent, eux aussi, apporter un service de téléassistance de qualité à leurs propres clients.

À côté de cette fonction de directeur général, je suis également le Président de l’Afrata, l’Association Française de Téléassistance, qui regroupe les principaux professionnels du secteur. L’ensemble des opérateurs-membres représente environ 85 % du marché français.

Enfin, je suis membre du Conseil National de la Silver économie et c’est justement dans ce cadre, que j’ai co-animé, avec Jean-Philippe Arnoux (Directeur Silver Economie et Accessibilité chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France), le Groupe de travail sur l’adaptation du logement pour une vie autonome.

Justement, dans ce cadre, vous avez publié un rapport. Qui a commandé la publication de ce rapport ?

Ce rapport est l’initiative du Conseil National de la Silver économie. Son Président avait fait, il y a quelques temps, des propositions de thématiques à l’ancienne Ministre de la santé, Agnès Buzyn.

Le but du Conseil National est de proposer des préconisations sur un certain nombre de sujets, notamment sur ce qui devrait être pris en compte par les pouvoirs publics, afin de mieux prendre soin des Seniors en fonction de leur très grande variété.

Ainsi, parmi ce qui a été acté, il y a le sujet de l’adaptation du logement dans l’optique de vivre le plus longtemps possible, de façon autonome, au domicile.

Il y a d’autres sujets étroitement liés au nôtre, dont certains ont déjà fait l’objet de rapports, notamment les volets éthique, technologique et mobilité.

Autant de sujets qui font l’objet de préconisations et qui, nous l’espérons, inspireront la future loi Grand Age.

Comment est-ce que ce rapport (concernant l’adaptation du logement) a-t-il été réalisé ?

Nous avons organisé des rencontres thématiques, de façon à prendre en compte la diversité des points de vue. Sur le sujet du logement, nous avons identifié trois grands types d’acteurs.

Nous avons les acteurs institutionnels, comme les pouvoirs publics spécifiquement dédiés aux Seniors (CNSA, SOLIHA…) et ceux qui sont plus généraux (Carsat et Conseils Départementaux). Nous avons voulu comprendre les sujets sur lesquels ils travaillent, les initiatives qu’ils ont déjà pu prendre et les résultats que cela a produit.

Le deuxième type d’acteurs que nous avons souhaité rencontrer sont les professionnels du bâtiment comme la construction, la rénovation et l’adaptation physique du logement. Nous avons rencontré des promoteurs, des professionnels de l’équipement et de l’aménagement des logements, des ergothérapeutes, des architectes…

Enfin, la troisième grande catégorie d’acteurs concerne les professionnels des services à la personne au domicile ainsi que des start-up.

Nous sommes partis du constat suivant : lorsque nous parlons d’adaptation du logement, souvent nous pensons au bâti et aux équipements du logement. Alors que la vocation d’un logement adapté est aussi de pouvoir y vivre. Par exemple, en fonction du degré d’autonomie de la personne, elle peut avoir besoin de services à son domicile comme du portage de repas, une auxiliaire de vie pour les tâches ménagères ou la toilette, etc.

Notre point de vue, c’est que le logement doit être adapté à la personne qui y vit bien évidemment, mais aussi à l’ensemble des professionnels qui interviennent à son domicile.

Aujourd’hui le constat est qu’il y a énormément d’accidents du travail dans la branche du secteur à domicile, ce qui prouve qu’il y a une question sur la sécurité de ces professionnels.

Nous avons abordé une autre notion : un logement adapté à un instant donné, peut ne plus l’être plus tard, si la santé de la personne âgée évolue. Ainsi, il peut être nécessaire de réévaluer régulièrement l’adaptation du logement. Ceci dans le but de l’adapter, le plus possible, à l’évolution des personnes.

Quelles sont les principales propositions de votre rapport ?

Nous avons catégorisé nos propositions en grands domaines.

Un domaine concerne l’information des personnes.

Nous avons fait le constat, aussi bien avec les institutionnels qu’avec les professionnels du bâtiment et des services, que les familles peuvent ressentir le besoin d’adapter un logement, mais ne savent pas facilement ce qu’il est possible de faire : à qui puis-je m’adresser ? Quels sont les financements et les aides disponibles ?

Souvent, c’est le flou pour beaucoup de personnes. Notre première proposition est de rendre l’information plus disponible. C’est par exemple, savoir à qui je peux m’adresser pour faire un premier diagnostic de mon logement grâce à un guide unique recensant les bonnes pratiques, diffusé par les principaux organismes (ANAH, CNAV, AGIRC-ARRCO).

Rendre l’information disponible concerne aussi les professionnels de l’immobilier, les bailleurs sociaux, etc.

Ainsi, nous proposons la création d’une « étiquette d’adaptabilité », qui doit permettre de se faire une idée factuelle de la facilité avec laquelle un logement est adaptable avec l’environnement dans lequel il se situe : les soins, les transports, une vie sociale, etc.

Un autre domaine de propositions concerne l’intervention des professionnels qui vont adapter le logement, afin de « sécuriser » ce processus. C’est, par exemple, valider que les artisans soient compétents et formés pour comprendre les besoins spécifiques des Seniors. En effet, des professionnels de l’adaptation du logement rencontrent des difficultés pour trouver les artisans qui savent réaliser ce qu’ils préconisent. Prenons un exemple simple : il existe des règles à respecter pour installer une barre d’appui comme sa position, sa hauteur, son angle… Il faut aussi ne pas hésiter à faire des essais avec la personne pour qu’elle se sente en sécurité et à l’aise avec le matériel. Et tout ceci peut être effectué uniquement par un artisan ayant reçu la formation adéquate.

Il faut aussi que les étapes d’évaluation et d’adaptation de logement aillent de concert. Nous disons que les travaux peuvent avoir lieu uniquement s’il y a eu une évaluation préalable. Ainsi, nous avons posé un lien entre l’évaluation, la réalisation et le financement.

Nous proposons également, que les financements répondent à trois conditions :

  • Avoir plus de 65 ans
  • Faire intervenir un ergothérapeute, pour l’évaluation et les préconisations
  • Faire intervenir un professionnel labellisé Senior, c’est à dire un professionnel qui soit capable d’apporter la preuve de sa compétence professionnelle en matière d’adaptation du logement pour les Seniors.

Un troisième volet concerne les services.

Il concerne d’une part les services technologiques, notamment ceux qui touchent à la sécurité de la vie au domicile, que ce soit dans des logements collectifs ou un logement individuel. Vivre de façon autonome est aussi une question de sécurité, surtout pour des personnes seules ou fragiles. Cela vaut d’ailleurs autant pour les parties privatives que pour les parties communes des immeubles.

D’autre part, et au premier plan, ce volet concerne les services à la personne, rendus à domicile. Au-delà des services, et éventuellement des équipements nécessaires pour assister une personne dans sa vie chez elle, la question brûlante est la sécurité des professionnels d’intervention. Un logement mal aménagé, une installation électrique dégradée, ce sont autant de risques d’accident du travail. La preuve : il y a deux fois plus d’accidents du travail chez les salariés d’intervention par rapport au reste de la population active. L’adaptation du logement les concerne aussi.

Sur l’ensemble de ces volets, nous avons mis en évidence de nouvelles approches possibles pour le financement de l’adaptation. Pour ce qui est des financements et aides publiques, nous avons voulu mieux sécuriser leurs bénéficiaires avec trois conditions : être un Sénior de plus de 65 ans, avec un projet conçu par un ergothérapeute et réalisé par un professionnel labélisé. Pour rendre l’adaptation réalisable pour toutes les bourses, nous recommandons la contemporanéité des avances et des aides financières avec, par exemple, une refonte du crédit d’impôt pour le rendre plus incitatif ou encore la généralisation du tiers payant.

Ensuite, de façon transversale sur toutes nos propositions, nous avons voulu traiter les questions d’éthique et de protection des consommateurs.

La question d’éthique a été citée lors de tous nos groupes de travail, de manière flagrante. Plusieurs interlocuteurs ont remonté des pratiques malheureusement non éthiques ou abusives : ventes forcées, pratiques commerciales trompeuses. Nous disons que l’on peut faire confiance à la grande majorité des professionnels, mais de telles pratiques, même s’il n’y en a qu’une, ne sont pas tolérables.

Ainsi, parmi nos propositions, il faut punir encore plus fermement l’abus de faiblesse. En effet, nous estimons que les peines applicables pour les cas d’abus de faiblesse ne sont pas suffisamment dissuasives, et que les personnes doivent être plus facilement informées sur leurs droits et leurs recours. En renforçant la confiance, nous voulons que les professionnels vertueux soient encore plus visibles et mieux connus des personnes qui veulent un logement qui leur convient parfaitement.


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