Le secteur de l’aide à domicile fait face à des enjeux importants. Pour faire un point, voici une interview de Stéphane Landreaux, le secrétaire général de la FNAAFP/CSF

Pouvez-vous présenter votre fédération ?

La FNAAFP/CSF est l’une des quatre fédérations de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile. Nous regroupons environ 50 adhérents et la fédération a été créée après la seconde guerre mondiale.

Nos membres sont des associations qui interviennent, très majoritairement, auprès des personnes fragiles. Nous n’avons pas d’association qui proposeraient seulement des services à la personne.

Notre cœur de métier est d’intervenir auprès des personnes fragiles.

Quels sont les enjeux de votre secteur d’activités pour les prochaines années ?

Si nous nous plaçons du point de vue des structures, l’enjeu est clairement un enjeu de survie.

C’est un secteur qui est sinistré depuis très longtemps.

Côté usagers, l’enjeu est également de faire en sorte que la volonté de rester chez soi soit vraiment un enjeu national. Pour le moment, en dépit des discours, nous ne nous en donnons pas les moyens.

Plusieurs études montrent qu’une majorité des personnes qui sont actuellement en EHPAD, n’y sont pas par choix, ce qui montre l’étendue du travail qu’il reste à faire et qui n’est pas engagé.

Les financements du secteur sont extrêmement faibles. Ainsi, les associations qui interviennent sont fragilisées. Nous sommes vraiment dans la survie de ce modèle d’intervention aujourd’hui.

Justement, si nous augmentons les tarifs des interventions, est-ce que les familles et les personnes fragilisées auront encore les moyens de payer ces services ?

Non. En tout cas, en ce qui concerne les publics les plus fragilisé.

Contrairement à ce qui est dit, notamment dans le rapport Libault, le reste à charge à domicile n’est pas du tout maîtrisé. Les publics auprès desquels nous intervenons font face à des restes à charge qui, même s’ils peuvent être considérés comme faibles, leur posent quand même des problèmes.

Si nous augmentons les tarifs, notamment la part payée par le public, une partie de ces personnes ne pourront plus utiliser nos services nécessaire pour rester à leur domicile.

Ce qui veut dire une participation plus importante de la collectivité ?

Oui

Mais, avant de se demander où l’on trouve l’argent, il faut se demander si c’est une volonté politique d’offrir ces services et de permettre aux personnes fragilisées de rester à leur domicile.

C’est d’abord un choix politique, avant d’être un choix financier.

C’est un vrai enjeu de société, comme l’ont fait certains pays du nord de l’Europe. Ces pays sont partis de la demande de ces personnes qui veulent rester à leur domicile et ont ainsi mis les moyens financiers.

Une fois que nous aurons fait ce choix, il y aura des possibilités de financement, soit en mobilisant des fonds déjà disponibles, soit en créant de nouvelles sources de financement justement réparties.

Le choix est clair : soit nous laissons les familles se débrouiller seules avec les coûts importants que peuvent engendrer la perte d’autonomie, soit nous les mutualisons dans le cadre de la solidarité nationale.

Existe-t-il un lien entre un public fragilisé et un public à faible revenu ?

Pas forcément.

Par exemple, la loi sur le handicap instaure un principe de compensation du handicap, quels que soient les revenus de la personne. Nous militons, quelque part, pour le même principe concernant la perte d’autonomie liée à l’avancée en âge.

Il faut compenser la perte d’autonomie, indépendamment des revenus de la personne, car c’est un problème de citoyenneté et d’inclusion dans la société.

Ainsi, il n’y a pas de lien direct entre personnes fragilisées et revenus faibles. Par contre, il est bien entendu évident que c’est pour les personnes fragilisées qui ont de faibles ressources que le problème est le plus important. Donc, c’est d’abord, bien sûr, prioritairement pour ces personnes-là, qu’il faut mettre en place ce système.

Nous militons pour un système universel de compensation de la perte d’autonomie.

Pour comprendre l’ampleur des difficultés des prestataires de ces services à la personne fragilisée, pouvez-vous nous donner quelques chiffres ?

Il y a quelques années, une étude a conclu que le prix moyen pour équilibrer l’ensemble des services est d’environ 24 euros. Autrement dit, il faudrait que les services soient payés environ 24 euros de l’heure, pour pouvoir équilibrer les comptes. Or, actuellement, nous avons des tarifications qui oscillent entre 13 et 26 euros de l’heure en fonction des départements.

Donc, dans la majorité des cas, les prix payés par les départements pour les services à domicile, sont majoritairement inférieurs aux prix de revient.

Ce qui veut dire, que parfois, plus nous réalisons d’heures auprès des personnes, plus nous creusons le déficit des structures.

Ensuite, un deuxième problème majeur existe : il faut absolument sortir de la tarification horaire qui est mortifère. Ainsi, tout se fait, à l’heure actuelle avec un tarif qui concerne le temps passé en face-à-face avec la personne accompagnée.

Autrement dit, nous payons le service pour le temps durant lequel le salarié est en face-à-face avec la personne accompagnée dans des actes techniques. Alors, qu’il faudrait prendre en compte le temps à échanger et prendre soin de la personne, les temps de déplacement ou les temps de débriefing, par exemple.

Ainsi, nous demandons à sortir de cette tarification pour aller vers une dotation globale ou au poste. Ce qui permettrait aux services de s’en sortir beaucoup mieux et d’offrir des prestations plus adaptées aux besoins des usagers.

D’ailleurs tout le secteur social travaille sur ce principe.

Cela permettrait de diminuer le temps partiel subi pour les salariés, mais aussi, de rémunérer tous les temps collectifs et d’augmenter la rémunération des intervenant.e.s.

Pour nous, cette démarche est essentielle pour permettre de sortir les associations de ce cercle vicieux de la tarification à l’heure.

Concernant les salariés, votre secteur demande des salariés avec des compétences puisqu’ils interviennent auprès de personnes fragilisées. Comment arrivez-vous à les former ?

Les fédérations de notre branche, font des efforts importants en matière de formation. Nous avons des instituts de formation. Il y a bien sûr la formation initiale, mais il y a aussi une formation permanente des salariés. Nous investissons énormément dans la formation de nos salariés, car bien sûr, nous estimons que cela est essentiel pour offrir des prestations de qualité.

Les personnes qui sont embauchées dans votre secteur d’activités ont-elles des diplômes ?

Cela dépend. Pour les premiers niveaux d’interventions à domicile, il n’y a pas de diplôme demandé. Ensuite, bien sûr, il y a des niveaux d’interventions qui nécessitent d’avoir un diplôme. Par exemple, les infirmières d’un SSIAD, doivent avoir un diplôme d’état.

L’une des grandes difficultés que nous avons est la fidélisation des salariés. Ce sont des métiers difficiles, nous avons ainsi, le plus fort taux d’accidents du travail. Ce sont des conditions de travail difficiles, pour des salaires très faibles.

Nous avons ainsi du mal à accompagner les salariés sur la durée dans ces métiers. Une revalorisation des métiers, y compris sur le plan salarial est nécessaire et urgente.

Comment jugez-vous la situation entre Ehpad et soins à domicile ?

Je suis convaincu que le principal enjeu est de mettre en place la possibilité pour les personnes de rester à leur domicile. Les meilleurs acteurs pour cela sont clairement les acteurs de l’aide à domicile.

Bien sûr, actuellement, nous parlons beaucoup d’Ehpad hors les murs. Je n’ai jamais entendu personne rêver d’un EHPAD hors les murs. La majorité des gens veulent rester à domicile et être accompagnées par leur service d’aide.

Il faut donc construire autour des intervienant.e.s à domicile, mais en élargissant la palette de ccompétences au sein des équipes qui interviennent.

Par exemple, dans une équipe d’intervenant.e.s à domicile, il faudrait que nous puissions avoir des ergothérapeutes, des ergonomes, des psychologues … Tous ces métiers sont très importants pour le maintien à domicile, mais nous ne sommes pas capables de les financer actuellement.

Si nous construisons l’intervention à domicile autour et à partir des établissements pour personnes âgées, je pense que nous passerons à côté de la réforme, en tout cas, telle que nous l’appelons de nos vœux.

 


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