Crédit photo - Geralt
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300 000 français de plus de 60 ans sont en situation de mort sociale. C’est ce que révèle l’étude les petits frères des pauvres-csa « solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en france, en 2017 »

Accompagnant au quotidien les personnes âgées en situation d’isolement et de précarité, les petits frères des Pauvres ont souhaité étudier leur rapport à la solitude et identifier les situations d’isolement auxquelles celles-ci peuvent être confrontées.

300 000 Français de plus de 60 ans en situation de mort sociale

300 000 personnes de plus de 60 ans, ce qui représente l’équivalent de la population d’une ville comme Nantes, ne rencontrent quasiment jamais ou très rarement d’autres personnes, tout réseau confondu (familial, amical, voisinage, réseau associatif).

« Par exemple, plus d’une personne de plus de 60 ans sur trois ne sort pas de chez elle tous les jours. Cette situation, véritable mort sociale, s’aggrave avec l’âge et touche plus fortement les plus de 85 ans. L’étude permet également de dresser un « portrait-type » des plus isolés » explique l’association les petite frères des Pauvres.

Ce sont généralement des femmes, de plus de 75 ans, aux revenus modestes, un profil qui correspond en grande partie aux personnes accompagnées par les petits frères des Pauvres.

Très souvent, l’association constitue pour ces personnes le dernier rempart contre la solitude.

« La pauvreté se conjugue à l’isolement pour détruire le lien social sans lequel personne pourtant ne peut survivre… L’équivalent d’une ville comme Nantes en situation désespérée. C’est d’autant plus terrible que la pauvreté et la rupture du lien rendent ces femmes et ces hommes invisibles et qu’ils survivent à côté de nous sans que nous les voyions ! » explique Michel Billé, sociologue spécialiste du grand âge et du vieillissement.

Une forte exclusion numérique en particulier pour les plus de 80 ans

68% des plus de 85 ans n’utilisent jamais internet (mails, consultation de sites, réseaux sociaux). En outre, sur l’ensemble des personnes de plus de 60 ans interrogées, l’étude révèle que 41% de femmes subissent cette exclusion numérique (contre 20% des hommes).

Enfin, à l’échelle des territoires, les Hauts-de-France se révèle être la région la plus touchée par cette fracture numérique (avec 46% d’habitants de plus de 60 ans concernés). Ainsi, à l’ère du tout digital, le fossé se creuse de plus en plus, pénalisant un nombre grandissant de personnes, notamment pour les démarches administratives du quotidien qui désormais se font en ligne.

85 ans, la bascule vers le grand âge

À partir de 85 ans, il y a une rupture significative des cercles de sociabilité : contacts moins fréquents avec les petits-enfants, avec la famille éloignée, avec le cercle associatif, le voisinage. C’est aussi l’âge où les sorties se réduisent : 10 % des 85-89 ans sortent moins d’une fois par semaine ou jamais, c’est également l’âge où l’autonomie diminue de plus en plus. Le sentiment de solitude se renforce. « 47,5% des personnes accompagnées par les petits frères des Pauvres ont au moins 80 ans et près de 2 personnes sur 10 ont au moins 90 ans. Il y a 10 ans, les personnes accompagnées de plus de 80 ans représentaient 40% », précise Alain Villez, Président des petits frères des Pauvres.

Plus jamais seul ? Plus isolé qu’on ne le croit

Il se pourrait bien que les apparences soient trompeuses

La première qualité de ce remarquable travail d’enquête est sans doute de nous permettre de distinguer la solitude et l’isolement. Inévitable solitude, elle est constitutive de la condition humaine et peut même devenir enviable, elle est même nécessaire parfois pour que l’intime puisse exister

Redoutable isolement, il est en effet fragilisation ou rupture du lien social, des relations sociales, affectives, amicales, etc

Cette étude nous ouvre les yeux sur une multitude d’éléments dont certains déstabilisent les représentations dont nous sommes porteurs, tantôt de façon positive, tantôt de façon inquiétante. Comment ne pas se réjouir, par exemple, que contrairement au discours couramment admis, les familles, nos familles soient présentes et positivement actives plus qu’on ne le croit. Malgré les profondes transformations qu’elles ont connues au cours des 50 dernières années, les familles, sous des formes multiples, activent les liens affectifs et sociaux, permettent de faire entrave à l’isolement. À l’inverse, comment ne pas être terrifié en constatant que 300 000 de nos concitoyens peuvent être considérés comme en situation de « mort sociale » ! La pauvreté, se conjugue à l’isolement pour détruire le lien social sans lequel personne pourtant ne peut survivre

L’équivalent de la population d’une ville comme Nantes en situation désespérée. C’est d’autant plus terrible que la pauvreté et la rupture du lien rendent ces femmes et ces hommes invisibles et qu’ils survivent à côté de nous sans que nous les voyions ! C’est la vertu de cette enquête de nous ouvrir les yeux. D’autant qu’elle nous invite aussi à une autre prise de conscience inquiétante : l’exclusion des isolés passe également par la fracture numérique. Et cette fracture a de quoi nous alerter parce qu’elle est faite d’au moins trois composantes : l’aménagement des territoires

Les inégalités sont parfois flagrantes et leur réduction pose des questions politiques et économiques délicates. les conditions de ressources des personnes concernées

Les pauvres se retrouvent comme par hasard dans les territoires les moins favorisés mais leur manque de ressource les empêcherait de toute façon d’accéder au numérique. les conditions culturelles, parce que les plus isolés et les plus pauvres n’ayant jamais eu accès aux technologies enviables n’ont pas acquis la culture qui leur permettrait de les maîtriser s’ils pouvaient y accéder

Comment dès lors auraient-ils accès demain à la télémédecine à laquelle se prépare notre société ? Comment auraient-ils demain accès aux services en ligne que l’administration française ne manque pas de développer pour compenser la disparition des services de proximité ? Lutter contre l’isolement, faire société avec tous nos concitoyens exigent un engagement personnel de chacun et un engagement collectif, finalement politique au sens le plus noble du terme

Michel Billé Sociologue spécialiste du grand âge et du vieillissement

 

 


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