En France, près de 3,6 millions de séjours à l’hôpital sont effectués chaque année par des personnes âgées. À l’horizon 2030, ce chiffre est amené à évoluer pour atteindre plus de 5 millions. 1 prise en charge sur 3 sera alors dédiée aux aînés. Dans un contexte de coupes budgétaires importantes et de réduction des effectifs déjà engagés, comment l’hôpital va-t-il faire face au vieillissement massif de la population ?

Cap retraite, contacté chaque année par des milliers de familles dont le proche ne peut regagner le domicile suite à une hospitalisation, a étudié la question :

• Comment les personnes âgées ont-elles recours à l’hôpital aujourd’hui ?
• Les capacités d’accueil dédiées sont-elles équitables sur l’ensemble de la France ?
• Quels territoires seront les plus exposés au vieillissement en 2030 ?
• Quels seront alors les besoins en personnel et en financement ?

Cap Retraite livre son analyse de la prise en charge hospitalière de nos aînés à l’échelle nationale, régionale et départementale et propose plusieurs pistes de réflexion.

État des lieux de l’hospitalisation des personnes âgées en France

Aujourd’hui en France, les personnes âgées ont très fortement recours à l’hôpital. Les départements où ce phénomène se ressent le plus sont le Haut-Rhin (74.9%), l’Aisne (74,1%) et le Bas-Rhin (73,8%). Voir carte 1

Et si 1 hospitalisation sur 5 est dédiée à ce public fragilisé en 2016, d’ici 15 ans, il s’agira d’1 hospitalisation sur 3. À terme, la population âgée pourrait donc devenir le coeur de métier de l’hôpital. Les hôpitaux des départements ruraux et vieillissants que sont la Creuse (44,1% des séjours en 2030), le Lot (39,7%) et le Cantal (39,7%), seront particulièrement exposés face à cette évolution démographique. Voir carte 2

Les services d’urgence seront, comme aujourd’hui, en première ligne pour accueillir ce public âgé.

Le nombre de consultations d’urgence dédiées devrait augmenter de +42% d’ici 2030. C’est en Lozère (+55.3%), en Ariège (+54.2%) et dans les Alpes-de-Haute-Provence (+53.8%) que ces services devront fournir les efforts les plus importants pour rétablir l’équilibre permettant aux aînés de bénéficier d’un parcours de soins adapté.

Adaptation de la capacité d’accueil des aînés à l’hôpital à l’horizon 2030

On compte actuellement 241 359 lits ou places à l’hôpital dont 4.8% seulement sont spécialisés en gériatrie. Pour maintenir la qualité actuelle des soins à nos aînés, il faudrait créer plus de 102 178 possibilités d’accueil au sein de l’hôpital avant 2030.

Les départements les mieux équipés que sont Paris, le Rhône et le Nord, seront concernés par l’augmentation du nombre de lits la plus marquée. Cependant, les efforts les plus importants seront à réaliser en Vendée (+56,8%), Ariège (+56,9%) et Tarn-et-Garonne (+57,4%). Voir carte 3

Après les soins aigüs, plus de 390 000 personnes âgées poursuivent leur séjour en convalescence, dans une Unité de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) ou dans une Unité de Soins de Longue Durée (USLD) chaque année.

En 2030, l’hôpital devra trouver une solution pour 10% de ces personnes ne pouvant plus regagner leur domicile de manière autonome, soit 558 499 personnes âgées devenues dépendantes. Et il faudra créer pas moins de 60 970 lits en convalescence pour conserver la qualité de soins actuelle.

Ce sont les Bouches-du-Rhône (2 161 lits), le Nord (1 779 lits) et le Rhône (1 756 lits), qui devront créer le plus de lits et de solutions post-hospitalisation pour leurs habitants âgés en situation de perte d’autonomie.

Moyens humains et financiers nécessaires à l’horizon 2030

D’ici 15 ans, pour garantir une qualité de soins identique à celle d’aujourd’hui, il faudra augmenter le nombre d’agents de la fonction publique hospitalière de 107911 (+43%) pour atteindre l’équivalent de 362 812 postes dédiés.

Les départements qui devraient recruter le plus de personnels seront Paris (3 988 agents de la fonction publique), le Nord (3 231 agents), le Rhône (2 879 agents) mais les efforts les plus importants devront venir de territoires moins dynamiques tels que les Alpes-de-Hautes Provence (+56,3%) ou l’Aude (+56,1%).

Un fort besoin en financement s’en suivra : si 9,9 milliards d’euros ont été consacrés aux personnels apportant des soins aux aînés en 2016, d’ici 2030, cette somme pourrait augmenter de +36% pour atteindre 13,4 milliards d’euros (466 euros annuels par citoyen actif).

Le rôle de l’état reste donc primordial, car si le financement de l’hôpital était décentralisé, les habitants des départements à faible dynamisme économique seraient confrontés aux coûts les plus élevés; Creuse (1110€/actif), Haute-Vienne (1008€) et Allier (910€) en première ligne. Voir carte 4.

4 profils de régions : 4 types d’anticipations avant 2030

Grâce à son travail d’investigation, Cap retraite a pu compiler des données locales afin d’établir 4 profils de régions qui, si elles doivent se préparer à l’afflux des aînés dans les hôpitaux, ne devront pas répondre aux mêmes problématiques. Voir carte 5

Ces typologies se fondent sur les évolutions liées aux critères suivants :

• Population âgée de 75 ans et plus
• Recours à l’hôpital des 75 ans et plus
• Prise en charge des aînés dans les services d’urgence • Capacité d’accueil des aînés en hospitalisation
• Capacité d’accueil des ainés en convalescence
• Efforts financiers et humains nécessaires au maintien de la qualité des soins.

Régions en alerte : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire et Bretagne, sont les régions les plus en difficulté: le recours à l’hôpital des aînés y est déjà très important et leurs taux d’équipement en lits sont les plus faibles. De plus, toutes les prévisions sont “dans le rouge”. La population âgée est appelée à augmenter fortement, ainsi que l’afflux des aînés aux urgences et les besoins de lits en hospitalisation. Les ressources humaines et leur financement devront accompagner cette évolution. Ces régions devront être les premières destinataires des dotations de l’Etat. Cap Retraite estime que les besoins matériels et humains vont y augmenter jusqu’à 50,5% d’ici 15 ans.

Régions très exposées : l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Provence-AlpesCôte d’Azur et la Bourgogne-Franche-Comté présentent des taux de recours des personnes âgées à l’hôpital dans la moyenne nationale mais les anticipations montrent que l’avenir risque d’être problématique.Selon Cap Retraite, la croissance de la population âgée, les besoins en accueil de convalescence et les besoins en personnel vont se situer bien au dessus des moyennes nationales, notamment en PACA.

Régions en vigilance : le Grand Est, les Hauts-de-France et l’Île-de-France, si elles connaissent déjà un recours à l’hôpital plus important que la moyenne nationale chez les sujets âgés, bénéficient de l’attractivité des grands centre urbains (Strasbourg, Lille, Paris). Cela met leurs hôpitaux moins en danger face à un risque de sur-activité liée aux personnes âgées dans le futur. Mieux équipées à l’hôpital, elles sont cependant les moins aptes à accueillir les aînés dépendant en EHPAD. Dès à présent, elles doivent faire face à un problème d’engorgement à la sortie de l’hôpital et anticiper l’avenir.

Régions en zone d’équilibre : en Normandie et en Centre-Val de Loire, la situation s’annonce moins critique compte tenu d’un recours à l’hôpital des aînés inférieur à la moyenne nationale. Les estimations indiquent que ces régions devraient connaître une augmentation moins rapide de leur population âgée, de leur afflux aux urgences ou à l’hôpital et des besoins matériels et humains. Cependant, elles devront rester attentives à l’octroi des crédits à l’échelle nationale pour ne pas créer de déséquilibre à l’avenir.

Conclusion

Face aux inégalités territoriales, c’est l’ensemble de la filière de soins qu’il faut dès à présent tenter de rééquilibrer. Assurer une présence forte de la médecine de ville généraliste et spécialisée dans les déserts médicaux pour anticiper l’encombrement des urgences, encourager la télé-médécine, reussir le virage ambulatoire, mais aussi développer l’hospitalisation à domicile (HAD) apparaissent aujourd’hui incontournables.

En termes de prise en charge des personnes âgées devenues dépendantes, l’hospitalisation à domicile reste toutefois à limiter, car si elle permet de désengorger l’hôpital, elle risque de peser fortement sur le secteur des Ehpad et des Services de Soins Infirmiers à Domicile, dont l’offre déjà limitée devra s’adapter en cohérence.

Quant au besoin en personnel et à son financement, les régions ne pourront à elles seules faire face aux déséquilibres locaux. C’est à l’État d’assumer son rôle de régulateur à l’échelle nationale et, plus que le coût de l’hospitalisation des aînés, c’est toute la problématique de la dépendance et du vieillissement de la population à laquelle la prochaine équipe gouvernementale, dans la continuité de la loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement, se devra d’apporter d’urgence des solutions pérennes.

Préconisations de Cap Retraite :

Pour maintenir la qualité d’accueil des personnes âgées à l’hôpital et assurer la continuité de la filière de soin, Cap Retraite propose 5 axes d’améliorations:

> Lutter contre les déserts médicaux, coordonner les généralistes, les spécialistes de ville et les gériatres, améliorer l’accès à la médecine de ville, par le recours à la télémédecine.

> Augmenter significativement les capacités d’accueil: augmenter les ressources humaines et le nombre de lits aussi bien en hospitalisation qu’aux urgences, en Unités Mobiles de Gériatrie, en SSR et en USLD dès le prochain mandat présidentiel.

> Former les équipes soignantes : inciter les étudiants et les équipes à se spécialiser sur les besoins des personnes âgées (gériatrie, nouveaux statuts d’auxiliaires spécialisés en gériatrie).

> Prévenir et anticiper la dépendance: évaluer les possibilités de prises en charge d’une dépendance dès la constitution des dossiers de retraite et améliorer la communication sur les disponibilité d’accueil le long de la filière de soin (création d’un fichier national).

> Augmenter les capacités d’accueil à la sortie d’hôpital: HAD, EHPAD, SSIAD en vue d’éviter l’engorgement des hôpitaux et de mettre en place des parcours de soins adaptés.

 


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